chapitre9b La révolution informationnelle, une mutation sociétale complexe

Le rôle de l'humain dans la production peut changer fondamentalement. Et comme la commande numérique de la machine peut se faire à distance, la coordination des fabrications peut être réalisée en une diversité de lieux, l'unité de lieu comme champ d'action économique disparaît, percutant la cohérence culturelle (langage, histoire, géographie, pratiques, référents) des groupes et des peuples. En effet, la révolution informationnelle modifie potentiellement l'ensemble des interactions économiques, en substituant aux organisations hiérarchiques figées de la révolution industrielle, des organisations en réseau, que ce soit au niveau d'une entreprise, ou au niveau des multinationales mondialisées. Elle requiert aussi des personnels formés non seulement à l'informatique et à la robotique mais à la science du fonctionnement global des réseaux.

Autrement dit la notion même d'un processus allant de la conception à la distribution en passant par la production s'estompe par la simultanéité des fonctions ancestrales : le chercheur, le concepteur s'appuient de plus en plus sur les situations réelles de production et de consommation qui deviennent leurs laboratoires ; les phénomènes de grands nombres entrent dans le champ théorique, ainsi que l'aléatoire, la probabilité et le risque, la multiplication des interactions, l'évolution des besoins… Le travail répond de moins en moins à une logique d'organisation linéaire et de plus en plus à celle d'un système complexe fonctionnant en boucles rétroactives de régulation.

On voit apparaître ici la double relation entre révolution du complexe et révolution informationnelle. Relation matérielle par la place centrale de l'ordinateur dans les deux cas. En raison de cette place, l'économie développe l'ordinateur de plus en plus vite et ces progrès techniques favorisent ceux des sciences du complexe. Mais relation conceptuelle d'avantage encore peut-être : l'informatisation et l'automatisation engendrent des changements dans la société qui la rendent de plus en plus complexe. Du niveau local de l'entreprise, au niveau global des nations et du « système-monde » (1) elle tend à devenir un réseau de systèmes complexes interagissants. Il en résulte un évident besoin d'étude et de compréhension de ces changements, un besoin de sciences du complexe, concomitant avec le développement des instruments nécessaires à ce développement. Totalement imbriquées dans la révolution informationnelle, les sciences du complexe devraient donc s'épanouir au maximum dans ce nouveau terrain économique et social.