chapitre9e La place du complexe dans les programmes de l'ANR (2011-2013)

L'appel à projets 2011-2013 comprend un appel dit blanc sans thématiques imposées, réparti en huit thèmes, qui est considéré comme dédié à la recherche fondamentale libre. Et onze appels thématiques (1) eux-mêmes subdivisés en vingt-huit programmes, correspondant aux recherches finalisées. L'analyse quantitative est disponible pour l'appel précédent terminé en 2007 et montre la part tout à fait prépondérante dans le financement des projets thématiques par rapport aux projets non-thématiques (2).

J'ai recherché, dans l'ensemble des programmes disponibles les occurrences des termes choisis.

Cette étude est hétérogène dans ce sens qu'en ce qui concerne l'ANR (3) blanc on dispose des titres des projets financés, ainsi que pour l'un des programmes (le plus intéressant il est vrai, modélisation et simulation des système complexes). Mais, en ce qui concerne les autres thématiques, je n'ai obtenu que les descriptions des appels à projets. Le vocabulaire n'est pas forcément le même dans les deux catégories d'énoncés : les titres des projets sont écrits par les chercheurs (même s'ils cherchent à se modeler sur ce que l'on attend d'eux), tandis que les appels d'offres sont rédigés par des institutionnels et je les ai donc séparés pour l'analyse. Par ailleurs je ne dispose pas des titres des projets rejetés, (dix fois plus nombreux et qui auraient complété avantageusement l'analyse).

Un seul des cinq grands projets analysés (science et technologie de la communication et information) contient un programme (sur cinq) modèles numériques, comportant encore trois axes thématiques dont un modélisation et simulation de systèmes complexes se réfère directement aux sciences du complexe, dans leur aspect méthodologique.

En revanche, une approche systémique (qui n'est pas révélée par les fréquences d'occurrences de termes, mais par une analyse plus qualitative) est rendue possible, de manière plus ou moins explicite et en liaison avec la promotion de recherches pluri-disciplinaires (plus que inter-disciplinaires), dans trois autres des grands projets. Environnement et ressources biologiques où l'optique générale systémique évacue l'aspect dynamique et complexe, Sciences humaines et sociales, où l'esprit du programme invite ces disciplines à observer des objets de recherche complexes des temps présents et surtout à pratiquer une pluridisciplinarité systématique en s'intéressant aux évolutions socio-culturelles, aux comportements individuels et sociaux et aux modèles économiques et énergie durable, où deux programmes horizontaux (sur cinq) ont pour ambition de favoriser les approches systémiques et les projets intégrés pluridisciplinaires, notamment entre sciences de l'ingénieur et sciences humaines et sociales.

Cette analyse montre que le terme innovation apparaît en moyenne 10 fois plus souvent dans les appels d'offres thématiques que dans les programmes blancs acceptés, et inversement, les termes du complexe y apparaissent moins fréquemment (sauf dans l'appel d'offre qui contient précisément le programme modélisation des systèmes complexes, et encore essentiellement par l'emploi très fréquent des termes modélisation/simulation). Une analyse plus fine montre encore que c'est dans les titres des projets blancs que les termes non-linéaire et interactions sont les plus fréquents. Alors que dans les appels thématiques ils sont très peu représentés même dans science et technologie de la communication et information. Enfin c'est toujours en biologie que la complexité à le plus de peine à s'imposer, en France donc comme dans les appels d'offre européens.

Au final, les concepts des sciences du complexe sont diversement traités. La pluridisciplinarité (plutôt que l'interdisciplinarité) est utilisée essentiellement pour mettre les sciences humaines et sociales au service des projets finalisés, où le terme complexe, et certains des concepts du complexe apparaissent un tout petit peu plus souvent qu'ailleurs. La systémique, ou plus exactement l'étude de grands systèmes surtout vus comme compliqués, nécessitant de gros investissements informatiques et de grandes banques de données est également favorisée. En revanche, les études dynamiques et la non-linéarité, sont reléguées dans un tout petit espace.